Le crépuscule d'une idole. L'affabulation freudienne

Après Dieu, Michel Onfray déboulonne Freud, le freudisme et les freudiens. Les griefs qu'il récapitule en tête de sa conclusion sont de trois ordres. Le premier est biographique : Freud aurait eu un comportement malhonnête. En deuxième lieu, sa thérapie n'a pas fait ses preuves. Progressiste ou révolutionnaire, Freud ? En aucun cas, objecte Michel Onfray, qui tient à le mettre également en cause sous l'angle politique. C'était un fieffé conservateur, gardien des bonnes moeurs et partisan de régimes autoritaires.

Au terme de cette analyse, une question s'impose : si Freud fut bien cet affabulateur accablé par un lourd dossier ; s'il a bien été un philosophe qui a détesté la philosophie pour mieux déployer sa pensée dans le seul cadre philosophique ; s'il a très tôt détesté les biographes parce qu'il savait que cette engeance ferait un jour l'histoire de ce qu'il s'est évertué, lui et ses amis, à présenter sous le signe de la légende ; si son odyssée fut celle d'un "aventurier", selon sa propre confidence, prêt à tout pour obtenir ce qu'il revendique obsessionnellement comme un droit : la célébrité et la richesse, la gloire et la réputation planétaire ; si sa revendication d'être un scientifique légitimé par la clinique cache la proposition subjective, personnelle et autobiographique d'une psychologie littéraire ; si sa grande passion fut l'inceste et qu'il a étendu son fantasme à l'univers entier pour en supporter plus facilement l'augure ; s'il a effacé les preuves du capharnaüm théorique et clinique de son trajet pour présenter sa découverte sous forme d'un continuum scientifique linéaire procédant de son seul génie ; si ses entreprises d'écritures autobiographiques, notamment l'Autoprésentation et Contribution à l'histoire du mouvement psychanalytique, fabriquent cette version féerique d'un homme génial découvrant tout seul le continent vierge de l'inconscient ; si la clinique freudienne fut une cour des miracles pendant des années, y compris celles du divan ; si le psychanalyste a sciemment falsifié les résultats cliniques afin de dissimuler les échecs de son dispositif analytique ; si le divan soigne dans la stricte mesure de l'effet placebo ; si l'épistémologie de Freud procède de la seule affirmation performative ; s'il a recyclé le vieux dualisme de la philosophie occidentale en opposant le corps et l'âme sous forme de plasma germinal physiologique et d'inconscient psychique, et ce afin de négliger le premier pour mieux célébrer le second ; si Freud a magnifié la causalité magique, notamment par un usage des facilités symboliques, au détriment de toute raison raisonnable et raisonnante ; si l'aventure viennoise se contente d'incarner, dans son temps, et selon les tropismes du moment, la vieille logique chamanique des sorciers, des mages, des guérisseurs et des exorcistes ; si le pessimisme de Freud lui fait tourner le dos à la philosophie des Lumières et l'installe du côté de ce qu'au XVIIIe siècle on appelait les Antiphilosophes ; si, de ce fait, on retrouve Freud soutenant le césarisme autoritaire de Dollfuss ou de Mussolini ; si l'on découvre dans son oeuvre matière ontologique à une phallocratie misogyne et homophobe et non à une pensée de la libération sexuelle - alors : comment expliquer le succès de Freud, du freudisme et de la psychanalyse pendant un siècle ?

Source: express.fr

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Commentaires: 1
  • #1

    Malaguarnera (jeudi, 24 juin 2010 11:56)

    J'annonce la parution aux éditions ILV-Edition de mon ouvrage en réponse à M. Onfray : Critique du Crépuscule d'une idole de M. Onfray.
    Voici la présentation de l'ouvrage :

    Après quelques jours de la parution du Crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne de M. Onfray, Serafino Malaguarnera (psychologue clinicien et psychanalyste, auteur de plusieurs écrits et ouvrages), a réagi avec deux vidéos où il a présenté une critique serrée de ce brûlot. Après quelques semaines, Serafino Malaguarnera nous propose un ouvrage (paru aux éditions ILV-Edition), conçu comme une partition en quatre mouvements, qui démantèle d’une manière plus articulée, systématique et serrée l’ouvrage de M. Onfray. Dans le prélude, l’auteur nous situe, avec un peu d’humour, le Crépuscule d’une idole sur un axe historique et critique sous forme allégorique. Dans le premier et deuxième temps, les points majeurs des critiques qui lui ont été avancés sont déployés avec précision. Dans le troisième temps, l’auteur nous offre un commentaire critique sous forme de dialogue, percutant, serré, facile à lire des thèses sur lesquelles est bâti le Crépuscule d’une idole et des quatre premiers chapitres. En évitant toute démarche ad hominem, Serafino Malaguarnera préfère empoigner les outils propres à l’argumentation : la logique et la dialectique.